Entretien avec Laurence Debouvry, instructrice MBSR

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Entretien avec Laurence Debouvry, instructrice MBSR

Pour faire suite à l’article de la semaine dernière sur l’Association pour le Développement de la Mindfulness (ADM), le témoignage aujourd’hui de Laurence Debouvry, médecin rhumatologue à Lille (Nord) nous apporte des éléments concrets sur la méditation de pleine conscience et le cycle de formation qu’elle dispense.

Laurence Debouvry, avant d’entrer dans le détail de la formation de méditation basée sur la pleine conscience que vous dispensez, est-il indiscret de vous demander comment un médecin rhumatologue en vient à la méditation ?

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Ce n’est pas le médecin rhumatologue qui est venu à la méditation, mais la méditation qui a rejoint mon chemin professionnel. J’étais une enfant philosophe, habitée par la question du sens de la vie. Sur ce chemin, j’ai naturellement rencontré les sagesses orientales et commencé à méditer il y a une vingtaine d’années.

Ma pratique a pris une autre dimension lorsque j’ai apporté mon aide de médecin là où je pouvais être utile dans le monde et notamment ces dernières années, auprès de réfugiés tibétains dans des monastères en Inde et au Népal. J’ai découvert sur les hauteurs himalayennes des enseignements profondément libérateurs. Je suis par la suite devenue l’étudiante d’un maître issu du bouddhisme tibétain, dispensant un enseignement laïcisé, authentique et pleinement vivant en France. J’ai alors compris que seul un travail de transformation personnelle peut nous libérer de la souffrance. Y étant quotidiennement confrontée en tant que médecin, il devenait évident pour moi de partager ce chemin.

Y avez-vous recours dans votre pratique médicale ?

Mon intention est de créer un pont entre sagesses ancestrales et médecine occidentale, pour évoluer vers une approche holistique dite intégrative de la médecine. Au cœur de cette approche se trouve la nécessité d’unir l’interne, de rétablir le lien corps-esprit. La méditation est, dans cette démarche, un précieux guide.

Lorsque je sens chez un patient cette ouverture, je lui propose de participer à un programme MBSR[1]. C’est une première étape sur le chemin, car ce stage de 8 semaines basé sur l’expérience à la première personne, va souvent transformer la relation à la souffrance. Quand cela a été vécu de l’intérieur, je peux poursuivre l’accompagnement en consultation individuelle dans une perspective plus globale.

Maintenant, devenir acteur de sa santé prend du temps, demande des efforts. Et tout le monde n’est pas prêt à cela. Par ailleurs, les consultations médicales sont embouteillées et intégrer cette notion de soin de soi au cœur de la consultation ne peut se faire que sur des créneaux dédiés. Le système de soins ne propose pas encore en France de prise en charge pour ce type de consultations longues. Cela crée un problème de coût limitant l’accessibilité. Mais, les choses bougent. Et on peut espérer dans les années à venir tendre vers cette vision de la santé que l’OMS[2] définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Vous êtes instructrice en MBSR depuis 2017. Quel  parcours avez-vous dû suivre pour enseigner le programme ?

J’ai un très long parcours de formation personnelle que je ne détaillerai pas ici, mais qui exprime bien le fait qu’être instructrice MBSR n’est pas un outil de plus, mais demande à être pleinement incarné. Je suis engagée dans cette démarche depuis 2014 et qualifiée pour enseigner le programme depuis 2017. Pour reprendre les grandes lignes, c’est en validant le diplôme universitaire de Médecine Méditation et Neurosciences créé par le docteur Jean-Gérard Bloch à la faculté de médecine de Strasbourg que j’ai décidé de m’engager dans l’enseignement de la méditation de pleine conscience en 2014. J’ai alors débuté le parcours pour devenir instructrice MBSR dont vous avez parlé dans votre article de la semaine dernière, qui a nécessité de valider deux modules majeurs : les « Fondements MBSR » et le « Développement intensif de l’instructeur MBSR », ainsi que des modules complémentaires dont le MBSR « in Medicine, Practice and Science ». Ces modules s’intègrent dans un cheminement alternant des retraites en silence de 5 à 10 jours et des expériences d’enseignement. En parallèle, je me suis également formée dans d’autres champs de mise en application de la pleine conscience : troubles anxieux & antécédents de dépression, alimentation, douleur, compassion & autocompassion.

En quoi consiste exactement ce programme MBSR ?

Fondé en 1979 par le Professeur Jon Kabat-Zinn à l’université du Massachusetts, c’est un programme de réduction du stresse basé sur la méditation de pleine conscience qui se déroule sur une période de deux mois à raison d’une séance hebdomadaire de 2h30, d’une journée de pratique intensive et d’exercices quotidiens. Cet apprentissage se fait en groupe. Au cours des séances, le participant va entraîner son attention vers l’expérience qui se déroule dans le présent : les sensations corporelles, les pensées et les émotions. Cela va lui permettre de mieux habiter son corps et d’observer finement le fonctionnement corps-esprit. Petit à petit, il va développer une compréhension intime des mécanismes du stress dans sa propre expérience. Il va alors pouvoir les modifier au lieu de les subir. Les séances commencent habituellement par des exercices de méditation de pleine conscience en étant assis, allongé, en marchant ou en faisant des mouvements issus du yoga. S’en suivent des partages d’expérience en groupe sur le vécu de chacun lors de ces exercices et leur expérience dans la pratique quotidienne. Il s’agit donc d’une pratique basée sur l’expérience et participative, destinée à se déployer dans la vie quotidienne et les diverses activités du participant.

Ce programme est-il accessible à tous ?

La souffrance et le stress font partie de la vie. Ce programme s’adresse à tout un chacun souhaitant améliorer sa manière de vivre. La principale limite à l’accessibilité du programme est l’insuffisance de motivation. Car, il faut s’accorder du temps et cela demande un changement immédiat du mode de vie pour s’entraîner dans la vie quotidienne. Le programme est contre-indiqué aux personnes présentant des idées suicidaires, en phase dépressive aigue, souffrant de schizophrénie, d’hallucinations, d’attaques de panique récurrentes, de stress post-traumatique ou encore de problèmes de dépendance à des substances. Cette liste ne  doit toutefois pas être considérée comme une barrière absolue à la participation à un cycle MBSR. L’évaluation se fait au cas par cas, le plus souvent en sollicitant l’avis de l’équipe soignante. Si la personne est trop fragile, le programme est déconseillé, au moins temporairement.

Quels sont les bénéfices le plus souvent signalés par les participants ?

En s’ouvrant aux sensations corporelles, pensées et émotions dans le moment présent, le participant va rapidement identifier les regrets, les projections anxieuses, les peurs… qui s’atténuent alors naturellement. Peu à peu, le stress diminue. Les capacités attentionnelles et la concentration s’améliorent. Les émotions sont mieux régulées. Il existe aussi une augmentation des émotions positives telles que la bienveillance, la sérénité, la paix. L’esprit est plus clair et gagne en discernement (par le recul sur les pensées). Et cela permet de prendre davantage soin de soi, d’être acteur de sa vie (en ouvrant les possibles), de gagner en liberté (en faisant de meilleurs choix). La relation aux autres s’apaise et la connexion au monde s’améliore.

Chez les personnes qui présentent une maladie et/ou des douleurs chroniques, l’impact du stress est nettement diminué et la relation à la douleur transformée, ce qui permet d’améliorer la qualité de vie de façon significative. Il y a aussi un plaisir nouveau à mobiliser le corps, dont elles s’étaient souvent coupées. Chez les personnes anxieuses ou déprimées, les symptômes anxieux diminuent, les pensées ruminatives aussi. Pour d’autres, le sommeil s’améliore. Dans le domaine des addictions, certains participants arrêtent de fumer, d’autres ont un meilleur contrôle sur les envies compulsives, notamment alimentaires. Tous ces bénéfices ont été largement validés par la science, de même que d’autres sur le plan médical (diminution des rechutes dépressives, effets positifs sur la tension artérielle, les troubles du rythme cardiaque, le psoriasis, meilleure immunité, ralentissement du vieillissement cellulaire…).

Mais, il faut bien garder en tête que méditer ne va pas tout résoudre. Ce n’est pas la solution miracle. Méditer est essentiellement un voyage vers soi. Et c’est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions nous offrir.

Pour vous connecter au site de Laurence Debouvry, cliquez ici.


[1] Mindfulness Based Stress Reduction (Réduction du stress basée sur la Pleine Conscience)

[2] Organisation Mondiale de la Santé

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